Petite histoire de racisme ordinaire

 

Cette haine ordinaire issue d’une peur de l’autre devrait être combattue au quotidien. Il y a des lieux où l’on ne s’attend pas à la rencontrer surtout un dimanche de Pâques…

A la pâtisserie, elle s’est glissée entre les chocolats noirs et au lait…En vitrine une silhouette squelettique, filaments de chocolat, au milieu des poules et des poussins multicolores.

Après le choix de poules différentes, blanche, noire et au lait, un client lance quelques commentaires qu’il juge anodins.

         « il est bien maigre votre bonhomme dans la vitrine, un vrai squelette, vous avez oublié de le nourrir ?il n’a pas mangé assez de chocolat ? »

Quelques clients sourient… Alors  il s’engaillardit, ses éclats de voix sont de plus en plus précis et laissent percevoir le fin fond de son âme sûrement très noire…

– « le chocolat après tout c’est culturel…certains ne savent pas ce qui est bon !!!

De toutes les manières il est drôlement foncé de peau votre bonhomme. Même comme squelette on voit qu’il est noir. Quand on est foncé on n’est pas d’ici hein ? et là bas le chocolat ils ne savent pas ce que c’est, ils ne savent pas ce qui est bon !! Hahaha… ».

il se tourne vers les autres clients, il est fier de ses « galégades », il cherche à appuyer son regard sur un quelconque assentiment, en vain, les autres clients détourne leur regard pour montrer leur ressentiment. Je le fixe intensément la bouche amère et suffisamment expressive pour qu’il comprenne qu’il n’est pas drôle.

 A une semaine des élections certains cherchent à s’affirmer, portés par un courant particulier qui a trouvé un bouc émissaire dans la différence comme origine du mal.

Je me hérisse de l’intérieur.

Ce petit homme gringalet, qui a l’air d’être soumis aux ordres de sa femme du haut de ses 1m50 laisse voir des remarques déplacées.

Je me sens en colère contre la bêtise de cet homme, influencé, influençable, incapable de réfléchir, de ressentir, d’accueillir…

Exemple de racisme ordinaire et si je lui disais que j’étais noire et mangeuse de chocolat ? et non çà ne  passerait pas, ma couleur chocolat blanc est visible. Et si je lui disais que la culture du cacao se fait aussi en côte d’ivoire et que sans cela il n’aurait pas ces jolis œufs de chocolat noir…Avant même que je formule ma phrase, la vendeuse le remet à sa place.

  « heureusement que nous avons tous les chocolats en vitrine et pas que du blanc, car le blanc ce n’est pas du vrai chocolat. Le vrai le pur, le meilleur c’est le noir. Il n’y a que çà, le vrai chocolat noir, c’est celui qui ne fait pas de mal. Il est sain. D’autant plus que tous nos vrais chocolats noirs viennent de côte d’Ivoire, pays grand producteur et amateur de chocolat ! »

Certains clients se tournent pour sourire discrètement. La vendeuse est lancée, elle continue et semble lire dans mes pensées.

– «  Vous ne pourriez pas vous engraisser ce dimanche sans ce chocolat de cote d’Ivoire. »

Et si on lui glissait dans le chocolat des petits messages pour changer le regard des imbéciles ordinaires à l’approche des élections.

Pendant ce temps il rie tout seul, en rajoute toujours plus haut, toujours plus fort… Sa femme paie, et d’un regard lui fait comprendre qu’il doit se taire et porter les paquets.

Comme un enfant, il hausse les épaules, avec encore un soupçon de sourire sur ses lèvres. Il est content de lui. Il a montré qu’il était un homme…dans une pâtisserie ordinaire…

Pour pouvoir prendre les paquets il froisse un papier, un tract politique qu’il laisse sur la caisse.

Nos âmes froissées restent silencieuses face à ces mots de haine ordinaire.

Le silence devient lourd, les regards qu’on lui porte laissent voir notre agacement.

On peut s’interroger, le vote est une affaire sérieuse pour les grandes personnes sures de leur choix, de leurs valeurs humaines…combien de papiers froissés, combien de papiers glissés dans les urnes la semaine prochaine ?

Le regard de la vendeuse qui ramasse le papier nous laisse voir que le silence n’est pas toujours une approbation.

Nos différences nous enrichissent, nos peurs nous appauvrissent.

Racisme ordinaire un dimanche de Pâques, petit bonhomme qui se croit extraordinaire dans l’expression de ses peurs qu’il prend pour des valeurs de cœur…


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